Chakabuki ! Dégustation de thé à l’aveugle (ou presque…)

Chakabuki ! Dégustation de thé à l’aveugle (ou presque…)

Dimanche dernier s’est tenu le concours annuel de dégustation de thé à l’aveugle (Chakabuki) organisé par l’Association des plus de 60 ans du quartier de Todô, où se situe la Maison Rishouen. Kôji Kagata officiait en tant que maître de cérémonie et fournisseur des thés. Il y avait une petite trentaine de participants, parmi lesquels je me suis fait une petite place ! A neuf heures, la salle communale résonnait des rires et bavardages de tout ce petit monde, ainsi que des allées et venues de quelques femmes, dont notre énergique voisine d’en face (préparatifs et ramassage des bols, vaisselle) et hommes (présentation, comptage des points, annonce des résultats et remise des prix).

Mais d’abord, de quoi s’agit-il ?
Le Chakabuki est avant tout un jeu, qui consiste à attribuer aux thés goûtés à l’aveugle le nom leur correspondant. Chacun a devant soi la liste des cinq thés qui vont être dégustés, ainsi que leur prix. Chaque thé est désigné par un mot (un caractère chinois) – qui change selon les organisateurs. Chez Rishouen, le thé le plus cher est 花 (ka) la fleur. Viennent ensuite 鳥(chô, l’oiseau), 風(fû, le vent), 月(getsu, la lune), et 客(kyaku, l’invité). En général, la fleur et l’oiseau sont des Gyokuro (souvent un Gyokuro d’Uji et un autre de Yame), et les trois derniers, vent, lune et invité sont des Sencha. Bien souvent, dans les petits concours d’amateurs, lors des fêtes de quartiers ou par exemple de la fête du thé qui a lieu tous les ans le premier dimanche d’Octobre à Uji, l’invité (le thé le moins cher), est un thé très facile à identifier (en général du genmaicha).
La première étape du Chakabuki consiste à « écouter » le thé, selon l’expression consacrée (お茶を聞く ocha wo kiku) : les cinq thés sont présentés dans de grands bols évasés (拝見盆haikenbon) et circulent parmi les participants, qui peuvent ainsi en apprécier l’aspect (couleur, odeur, consistance, finition), et se faire une idée du goût qu’ils auront une fois infusés. Il est recommandé de prendre des notes !
Pour la dégustation, on respecte les mêmes règles que lors des concours : le thé est infusé dans de l’eau bouillante (pas de pitié pour les gyokuro !) et servi dans de tout petits bols. Après la dégustation de chaque thé, on fait passer une urne dans laquelle chacun glisse, dans la colonne qui lui est réservée, le petit jeton sur lequel est inscrit le nom du thé qu’il pense avoir bu (Ka/Chô/Fû/Getsu/Kyaku).
La difficulté est que l’on « vote » après le passage de chaque thé, sans pouvoir le comparer avec les autres, ni revenir sur son choix. On procède en tout à quatre ou cinq manches… soit 20 à 25 dégustations ! Le « truc » consiste à ne boire qu’une toute petite gorgée à chaque fois, afin de ne pas saturer le palais avec le tanin, et d’en dégager au maximum le parfum en activant la langue de haut en bas, comme on le ferait pour du vin. Il s’agit donc de percevoir, en l’espace d’une petite gorgée, les caractéristiques gustatives d’un thé, et de faire le lien avec son aspect extérieur (avec le prix pour indice !)
Celui qui a tout juste gagne 5 points. Et pour ne pas vexer celui qui a eu tout faux, on lui en donne… « un chouïa » !
J’étais très excitée de pouvoir participer à mon premier Chakabuki. L’ambiance était joviale et j’ai été très bien accueillie… En attirant quelques curiosités – dues à l’âge et la nationalité – dont celle de l’envoyé du journal local, qui publie les résultats du concours. L’honneur de Rishouen est sauf ! J’ai fini à la 7ème place avec 12 points (3 points par manches… ce qui n’est pas franchement glorieux, quand on sait que nombre de participants se plaignaient de mal distinguer les goûts à cause de l’âge). En cadeau, j’ai reçu… une bouteille d’huile de cuisine !!
Pour être honnête, c’était moi qui avait préparé le thé la veille du concours… Ce qui m’a certainement aidé un peu, bien que de ces cinq thés, je n’avais goûté que le Houjicha et le Sencha Harayama (… dont je n’ai pourtant pas reconnu le goût…)
C’était une excellente expérience, que je renouvellerait le 9 février aux côtés du « Grand-père » Giichirô Kagata, fondateur de Rishouen et qui a déjà terminé premier ex aequo du concours de la région de Kyôto ! Encore un long chemin à parcourir !